UNIVERSITE DE PARIS I PANTHEON-SORBONNE
U.F.R. DE PHILOSOPHIE

Séminaire de DEA de Mme MŒGLIN-DELCROIX



Le paradoxe d’une communication réticulaire
Étude sur l’œuvre On se comprend d’Antoine Moreau
par Olivier CELIK

1999-2000


Sommaire

Introduction...p. 3
Document “ Un peu d’explication ”...p. 6
L’œuvre-réseau...p. 7
L’impasse d’une communication réticulaire ?...p. 11
Une utopie de la communication...p. 17
Conclusion...p. 23
Bibliographie et Notes...p. 25



INTRODUCTION

L’art contemporain est-il en train de subir une mutation ?
Une mutation formelle au moins, puisque la rencontre inédite du réseau (dont le représentant le plus fameux est Internet) avec l’art contemporain interroge avec force le rapport que l’art entretient avec son support – l’art en réseau se présente virtuellement et non matériellement – ainsi qu’avec le lieu de sa présentation – un site, un musée ou une galerie. Mais sommes-nous en présence d’un changement essentiel, ou d’une banale adaptation à une réalité technologique ? L’art trouve-t-il dans le réseau un nouveau mode de représentation (galerie de peinture “ en ligne ” par exemple), voire un moyen inédit de diffusion (ventes aux enchères sur Internet et marché de l’art “ planétaire ”) ? Est-il à craindre alors, comme le pressentaient Theodor Adorno et Max Horkheimer (1) , que l’industrie culturelle prenne désormais le pas sur la culture, et que l’art soit absorbé et anéanti dans un système de communication tous azimuts ? L’art mis en réseau est-il une menace pour l’art contemporain ? C’est, semble-t-il, une inquiétude légitime à ne pas négliger.
Cependant est-il inéluctable que l’art entretienne cette défiance vis-à-vis des réseaux de communication ? Les réseaux sont-ils nécessairement des systèmes d’annihilation de ce qui n’est pas de l’ordre du consensus communicationnel, à l’instar de l’art contemporain ? Ne pourrait-on pas, au contraire, comme le suggère Norbert Hillaire (2) , “ décliner la relation de l’ordinateur et de l’œuvre d’art sous la forme d’un étrange face à face, dans la continuité du ready-made, lieu conflictuel de la rencontre entre l’objet technique et l’œuvre d’art ” ? Comment, en effet, penser une telle rencontre entre art et réseaux, au-delà des deux tendances que sont l’utilitarisme (l’art se sert du réseau) ou l’assimilation (le réseau fait disparaître l’art) ?
L’œuvre d’Antoine Moreau, On se comprend (3), créée en juillet 1996 au CICV Pierre Schæffer à Belfort-Montbéliard, est une réponse décisive à ces interrogations. Elle déplace le problème de l’art en réseau vers celui de l’art du réseau. Elle n’est pas une œuvre menacée de dissolution par sa confrontation avec les NTIC (4) ; bien au contraire, cette confrontation est son essence même, sa raison d’être esthétique. On se comprend est, comme son titre l’indique, une œuvre fondée sur la communication, qui se déploie dans un système réticulaire, en l’occurrence le réseau Internet. Ce réseau précisément se donne pour principe celui de la communication, de telle sorte que la communication ne peut être que réticulaire, et le réseau nécessairement communicationnel.
Or l’œuvre d’Antoine Moreau, loin de célébrer un tel “ modernisme technologique ” (5) est davantage l’expression d’un soupçon essentiel : On se comprend n’est certainement pas la caution artistique d’un système dans lequel serait posée l’identité entre le réseau et la communication. Loin d’une telle portée consensuelle, elle introduit plutôt une ambiguïté au sein même de cette supposée identité en laissant entrevoir, derrière l’équation réseau = communication, deux mondes distincts négligemment ou intentionnellement confondus. Dès lors, une œuvre réticulaire fondée sur la communication n’apparaît plus comme une évidence mais bien comme un paradoxe. C’est par le biais de ce paradoxe théorique qu’une œuvre comme On se comprend nous dévoile son véritable enjeu : interroger, au cœur même du processus réticulaire, les fondements réels des “ réseaux de communication ”.
Qu’appelle-t-on alors réseau ? Qu’appelle-t-on communication ? Ce sont ces questions qui traversent l’œuvre d’Antoine Moreau. Par son implication dans l’un et sa visée vers l’autre, On se comprend est alors, de ce point de vue, un véritable laboratoire artistique, philosophique, social, économique et politique, dans lequel l’artiste expérimente les formes d’une mutation, non plus formelle mais essentielle, de l’art contemporain.


L’ŒUVRE -RESEAU

Pour décrire brièvement l’œuvre On se comprend, notons que celle-ci est présentée via la fenêtre d’affichage d’un " navigateur ", logiciel permettant la visualisation de pages Internet. Remplissant entièrement la fenêtre, elle est divisée en neuf parties, reprenant le dessin esquissé au bas du document " Un peu d’explication ". Huit de ces fenêtres sont l’œuvre elle-même, la neuvième, au centre, faisant office de " portail " vers le site du CICV. Ces huit " frames " comme les nomme Antoine Moreau, de couleurs différentes (sombres), contiennent chacune une phrase, traduite en huit langues différentes. Chaque phrase constitue ce qu’on appelle un lien hypertexte (6). En cliquant sur chacune d’elles, le navigateur se connecte à un autre site hébergé dans le pays correspondant à la langue. Cette opération éclaircit les couleurs de la fenêtre sur laquelle on a cliqué et déclenche l’apparition d’une nouvelle phrase. Ainsi il est possible, au fil de la navigation, de faire apparaître successivement, dans chacune des huit fenêtres de l’œuvre, douze phrases ou propositions, dont nous pouvons donner la liste (7) en français :
1. L’art est rare.
2. La vie vous va bien.
3. La réalité est différente.
4. La mort existe.
5. Nous nous comprenons quand même.
6. Rire est divin.
7. L’amour.
8. Ça va dans tous les sens ?
9. Le bonheur fait la loi.
10. Le corps est au cœur.
11. Nous allons voir.
12. Nous passons à travers.
Grâce à une utilisation exclusive du procédé hypertextuel, l’œuvre d’Antoine Moreau On se comprend n’insiste pas sur une représentation imagée de l’œuvre (" Ne cédant pas au spectaculaire " (8)) mais sur ce qu’il appelle une " réalité hypertextuelle " (9), contrairement sans doute à la majorité des productions artistiques sur le réseau Internet. Dans cette œuvre, l’accent est ainsi mis sur la notion de lien (" la possibilité que nous avons de nous lier les uns aux autres " (10)), au sens où l’œuvre d’art elle-même doit se comprendre davantage comme relation que comme matière, qu’elle soit d’ailleurs matière sensible ou matière virtuelle. L’œuvre d’art réticulaire " consacre ainsi la disparition de l’objet comme but ultime de la production artistique. L’information, fluide, volatile, est devenue la matière de l’art. Sa mise en forme, son codage, en est l’enjeu esthétique et formel " (11).
On se comprend entretient en fait un double lien avec les réseaux et offre ainsi un point de vue inédit sur la notion de réseau : cette œuvre fonctionne et s’organise sous la forme d’un réseau, en connectant divers sites hébergés à divers endroits du monde entre eux. Une œuvre-réseau donc, mais aussi une œuvre en vue du réseau, au sens où elle n’est œuvre que si elle suscite, par le biais de son réseau interne, un autre réseau, que l’on pourrait qualifier avec Antoine Moreau de " vision multiculturelle de l’Internet " (12). Il est surprenant de constater à quel point la description du réseau donnée par l’artiste n’est pas autre chose, par essence, qu’une structure rhizomatique, telle que l’a analysée Deleuze dans Mille Plateaux. Reprenons alors les principes fondamentaux du rhizome :
o principe de connexion et d’hétérogénéité : " N’importe quel point peut être connecté avec n’importe quel autre et doit l’être " (13).
o principe de multiplicité : " Organisation propre au multiple en tant que tel, qui n’a nullement besoin de l’unité pour former un système " (14).
Deleuze prend soin de définir d’autres principes (rupture asignifiante, cartographie et décalcomanie), mais ceux-ci pourraient se recouper aisément avec ceux précédemment évoqués. Quoi qu’il en soit, l’œuvre d’Antoine Moreau expérimente le principe de connexion et d’hétérogénéité par sa visée de n’être pas seulement un site sur un réseau mais un site établissant d’autres relations. Le principe de multiplicité est illustré par la nature même du réseau mis en place par l’œuvre utilisant les fonctionnalités d’Internet : ce réseau a, contrairement aux conceptions traditionnelles d’un réseau hiérarchisé (15), une architecture acentrée, qui ne compte que des périphéries nomades toujours en expansion (16). Le réseau est alors une multiplicité, un plan de consistance, sur lequel se meuvent des éléments hétérogènes entretenant les uns avec les autres des relations. Nous pouvons cependant nous interroger sur la nature précise de ces relations : de quoi est faite cette " possibilité de nous lier les uns aux autres " ?
Devons-nous voir en effet dans le réseau informatique un simple accroissement anarchique de la communication ou, à l’opposé, une " cybernétique ", c’est-à-dire une science du contrôle, de la régulation et de la communication, de telle sorte que les réseaux informatiques seraient " la version scientifique de l’œil de Dieu, et interdiraient à jamais la surprise, l’accident, l’irruption de l’intempestif " (17) ? Si les réseaux sont alors certainement des réseaux de communication, de circulation permanente de l’information, de quelle communication s’agit-il ? Est-ce une surveillance généralisée, un contrôle, " qui fonctionne non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanée " (18) ?
Si " le déracinement lié à la nouvelle technologie ne peut nous promettre une émancipation " (19), Antoine Moreau peut-il, sans se fourvoyer, développer une œuvre authentique et lucide proposant " une pratique et une vision multiculturelle de l’Internet " (20) ?


L’IMPASSE D’UNE COMMUNICATION RETICULAIRE ?

L’obstacle majeur à l’œuvre On se comprend et aux conceptions sous-jacentes qu’elle prétend véhiculer est, peut-être, non plus la question ambiguë du fonctionnement des réseaux (ambivalence entre contrôle et liberté), mais celle de certaines grandes tendances de la civilisation contemporaine qui ont été le véritable fondement de la constitution de ces réseaux. Les réseaux, militaires, civils, rhizomatiques ou régentés, ne doivent pas leur émergence à leur simple nécessité intrinsèque, mais bien aux diverses inclinations des pensées qui forment le socle d’une partie de la société contemporaine. Les réseaux, comme nous avons pu le remarquer, sont des systèmes de mise en relation de choses entre elles, et sont à ce titre beaucoup plus proches, philosophiquement, d’une pensée de la relation que d’une pensée de la chose. Leur développement géographique dans les pays anglo-saxons ne doit certainement rien au hasard : les espaces dans lesquels ils sont nés ont été, depuis le début du siècle, fortement influencés par une pensée du lien, comme celle de Wittgenstein, affirmant, au début du Tractatus Logico-philosophicus, que " le monde est l’ensemble des faits, non pas des choses " (21). Un fait est issu de la mise en relation de deux choses. Une chose immobile et isolée ne saurait provoquer un fait et c’est la relation qui l’unit à une autre chose qui crée l’événement (ou le fait). Ainsi, " la modernité a dévalué la pensée aristotélicienne de la substance et de l’accident au profit d’une pensée de l’événement " (22). L’œuvre d’Antoine Moreau semble tout à fait dans cette veine de pensée, tant elle privilégie la situation processuelle, en non l’œuvre en tant qu’œuvre autonome. Une autre œuvre de cet artiste, qui n’est pas une œuvre informatique, n’en est pas moins la meilleure illustration de la caractéristique fondamentale d’une œuvre-réseau : le processus, l’événement, ce qui arrive et non ce qui est. Cette œuvre s’intitule " Des sculptures confiées " (23) : une sculpture est confiée à une personne, qui la confie elle-même à une autre, etc..., et l’œuvre consiste à noter les conditions du processus de changement de propriétaire, le lieu, la date, le nombre de " propriétaires " successifs. Considérant alors la suprématie d’une pensée de la relation, pleinement actualisée par les réseaux, il s’agit maintenant d’étudier la forme d’une communication réticulaire.
Max Horkheimer et Theodor Adorno avaient peut-être une crainte légitime en accusant, dans leur livre La Dialectique de la Raison, le développement technologique comme étant à la source d’une forme biaisée de la communication. Nous pouvons, en effet, constater que l’apparition des réseaux de communication est conjointe à celle d’un certain modernisme culturel. Celui-ci décrirait une nouvelle position de la culture face à l’omniprésence de la communication : une position affirmative, au sens où la culture, adoptant le principe de globalisation (industrialisation) de la relation, prendrait le risque de n’être plus qu’un discours, une voix consensuelle, celle qui, par définition, est la plus communicable. Cette nouvelle position de la culture, que Marc Jimenez nomme le " culturel ", serait alors " avant tout et explicitement injonction à la communication et aspiration au consensus, et toute critique, y compris la critique esthétique, se verrait contrainte d’abdiquer devant la puissance d’assimilation d’un tel système " (24). Il est à noter en effet que " la proximité de nos cultures " (25), visée par Antoine Moreau, se fait sans doute au détriment d’une différenciation esthétique véritable, et que l’absorption (on parle aussi d’intégration), des divers éléments qui postulent à entrer dans un réseau est en réalité une banalisation de la différence, du divers, et de la valeur (esthétique ici) que l’on peut attribuer aux choses. Les choses ne sont pas considérées pour ce qu’elles sont, dans toute leur singularité, mais pour leur capacité extrêmement restreinte à présenter des caractères communs, donc communicables. Plus une œuvre est originale (possédant donc peu de caractères communs), plus elle court le risque d’une banalisation qui lui ôterait son sens et sa portée, en ne gardant que le commun (une œuvre n’a peut-être pas de " portée " dans un réseau, seulement une plus ou moins grande tendance au consensus et à la communication). Avec les réseaux, il ne s’agit donc pas d’une inversion de la valeur qui rendrait essentielle (car communicable) une chose banale, et qui laisserait de côté une œuvre originale. Pires encore, les réseaux induiraient un " formatage " radical de la différence esthétique, une sorte de nivellement communicationnel, une masse grisâtre d’informations sans forme.
Cette dimension a-critique de la communication réticulaire n’est pas sans rappeler les principaux enjeux d’une philosophie qui s’est articulée, de même que les réseaux, sur une pensée de la relation. Plus qu’un rappel, cette sympathie pourrait bien être une parenté, au sens où les réseaux eux-mêmes se sont développés dans un contexte de pensée favorable à leur extension. Les réseaux, comme nous les connaissons, sont, en quelque sorte, le pendant technologique d’une pensée postmoderne, qui serait, comme le souligne Jean-Marie Schaeffer, une dénonciation de " la théorie spéculative de l’art " (26), une incrédulité, pour parler comme Lyotard, à l’égard des métarécits, que sont par exemple les grandes idéologies du vingtième siècle, ou les idéaux de l’Aufklärung (27). Ainsi disparaîtrait, dans les réseaux, le moindre critère de détermination et de jugement esthétique, en opposition avec la pensée esthétique traditionnelle d’inspiration kantienne (28). À ce titre d’ailleurs, nous comprenons bien en quoi les réseaux sont éminemment proches des positions de la philosophie analytique anglo-saxonne : Arthur Danto, contestant la valeur d’un jugement esthétique pouvant se rapporter à un universel, ne conçoit la détermination et le jugement de l’œuvre d’art qu’au regard de ce qu’il appelle " le monde de l’art " ou " artworld " (29). Citant Duchamp et Warhol, il met à jour le rôle déterminant du monde de l’art dans la reconnaissance de l’objet banal comme œuvre d’art, rejoignant en cela la position de De Duve pour qui l’art est " un nom de baptême " (30). Mais quelle est la conséquence de l’exclusion de toute dimension critique, de tout jugement de valeur, au bénéfice d’une classification des choses ne prenant en compte que les déterminations contingentes de celles-ci, à l’image de ce qu’écrit Gérard Genette dans L’œuvre de l’art, étant inspiré par Nelson Goodman : " si une œuvre est écrite dans une langue, c’est sans doute une œuvre littéraire, si elle fait entendre des sons instrumentaux, ce doit être de la musique, etc... " (31) ?
Il est séduisant d’imaginer un réseau à l’intérieur duquel les relations, liant les choses entre elles, ne seraient pas hiérarchiques, un réseau qui serait une sorte de rhizome idéal. D’un point de vue esthétique, un tel réseau aurait le mérite de ne pas juger les œuvres qu’il accueille en son sein, brisant de ce fait les barrières des institutions artistiques, autorisant la libre circulation des œuvres. Mais, s’il est indéniable que les réseaux sont ainsi des espaces de liberté, il faut tout de même se demander si une suppression du jugement au profit d’une idéologie selon laquelle tout se vaut, n’est pas la condition d’émergence d’une autre forme de hiérarchisation de l’œuvre d’art, non plus fondée sur des critères esthétiques, mais sur des critères liés par exemple à la rentabilité, à la valeur économique. C’est en ce sens que les fondements postmodernes et " analytiques " des réseaux les conduisent vers une communication pour le moins singulière : Richard Rorty, au nom d’une " poétisation de la culture " (32) (contre une " rationalisation de la culture "), fait très clairement entrevoir qu’une contingence radicale au sein de l’art (pas de jugement) fait naître la notion de privatisation de l’art. Selon lui la poétisation de la culture place l’art au centre d’un jeu de langage privé, qui, loin d’être un élément rassembleur des individus, est au contraire ce qui les isole. Dans cette vision libérale du fonctionnement de la société, le souci de soi ne laisse pas de place au souci du monde, à la notion de collectivité et, finalement, à celle de communication. Il est confondant de voir à quel point cette privatisation du jugement esthétique (et éthique, et politique, ...), si elle permet à chacun de déterminer ses préférences (33), fait échouer d’avance toute tentative de communication. Tout au plus les relations entre les individus sont des échanges (économiques), quand ils ne sont pas unilatéraux, comme la publicité sur Internet par exemple, qui révèle à quel point les réseaux, systèmes de contingences radicales, sont les vecteurs d’une communication réduite à sa plus simple expression. Pierre Bongiovanni, directeur du CICV, résume clairement cette situation en expliquant que " sur Internet, tout vaut tout. Un bon design, une belle arborescence valent comme création authentique. Le ludique et le festif suffisent à faire sens, l’eldorado financier, c’est le projet " (34).
C’est dans ce contexte qu’il faut alors réévaluer (puisque tout ne se vaut pas sans doute), les prétentions de l’œuvre On se comprend. Si elle affirme une volonté, qu’il faut croire exigeante, d’être une " pratique multiculturelle de l’Internet ", comment peut-elle ne pas échouer dans sa visée, tant elle se déploie au cœur d’un système dont nous avons vu qu’il rendait futile toute tentative essentielle de communication ? Faut-il prendre acte de l’impasse dans laquelle cette œuvre s’est placée ?
Cependant ne devons-nous pas considérer aussi que ce sont les conditions de leur émergence qui rendent les réseaux informatiques à ce point éloignés d’une communication réticulaire? En d’autres termes, il ne s’agit pas de refuser a priori aux réseaux cette capacité à lier authentiquement les membres qui les composent, mais de noter à quel point les formes réticulaires dominantes (Internet), par leurs origines, sont inaptes à la communication. L’œuvre On se comprend n’est-elle pas alors une proposition utopique, une tentative in extremis d’instaurer, au sein d’un système de circulation généralisée d’informations, une véritable communication non formatée, une sorte d’agora universelle ?


UNE UTOPIE DE LA COMMUNICATION

Pierre Musso écrit, dans un article intitulé " Généalogie et critique de la notion de réseau ", que " la société de communication est une société de la circulation généralisée. Inutile de penser de nouvelles utopies sociales, l’utopie technologique se charge de réaliser quotidiennement le changement social " (35). Or, nous avons vu quelle pouvait bien être l’utopie technologique dans les systèmes réticulaires : une utopie individualiste, contingente, pragmatique, quand elle n’est pas mercantile ! Pourtant l’œuvre d’Antoine Moreau On se comprend prétend bien, alors qu’elle s’inscrit pleinement dans un cadre technologique réticulaire, proposer une vision d’une certaine utopie sociale et politique.
Les propositions de l’artiste ne témoignent nullement de la nécessité d’un choix entre deux irréconciliables : le développement technologique et l’utopie sociale. Il nous faut comprendre que c’est au cœur même de la pratique technologique de l’œuvre que peut s’expérimenter une certaine forme d’utopie sociale et politique. Cette œuvre se place en effet résolument dans une perspective de rencontre entre l’art et une technologie devenue ordinaire, en filiation directe avec le ready-made. Dans un texte publié sur son site personnel, Antoine Moreau affirme ainsi que " le ready-made est l’objet de l’art contemporain. C’est pour cette raison que la culture des artistes est fortement “ ready-made-centrique ” " (36). Avec une œuvre comme On se comprend, l’esprit du ready-made se prolonge dans la rencontre entre l’art et les NTIC, qui, " en plus d’être les langages les plus pratiqués par les artistes, représentent chacun une approche très différente de la création " (37). Cependant, cette œuvre, si imbriquée soit-elle dans la technologie, ne fait guère état d’un certain pessimisme technologique, d’une sorte de froideur, qui serait celle des réseaux de communication tels qu’ils existent. Les propositions de l’œuvre On se comprend, comme " la vie vous va bien, rire est divin, l’amour, le bonheur fait la loi, le corps est au cœur " (propositions 2, 6, 7, 9, et 10), expriment plutôt la volonté d’instaurer une humanisation de la communication, dans la lignée des premières œuvres d’un art de la communication apparu dans les années 80 (38), investissant les premiers réseaux (comme le Minitel), puis étendant leur champ d’action à Internet. Nous pensons par exemple à des œuvres de Fred Forest (39) (cofondateur en 1974 du Collectif d’art sociologique puis en 1984 du Groupe de l’esthétique de la communication), comme Zénaïde et Charlotte à l’assaut des médias, en 1989 sur Minitel, ou à celles d’Olivier Auber avec Le générateur poïétique, créé en 1980 sur Minitel puis dès 1995 sur Internet (40). On se comprend a en commun avec ces œuvres de mettre en place une sorte de stratégie de participation et du jeu, à l’image sans doute des utopies participatives des mouvements artistiques des années 70, comme celles de Fluxus ou du GRAV (Groupement de Recherche d’Art Visuel). Mais, alors que ces groupes fondaient la participation sur la présence du public-acteur, comme avec le Happening de Kaprow (expérience unique dans un seul lieu), la notion de participation chez Antoine Moreau s’appuie sur la notion de communication, et plus précisément sur la télé-communication. La mise en situation du spectateur prend alors le nom d’interactivité, c’est-à-dire de mise en relation d’éléments hétérogènes et distants en vue de l’œuvre : " On se comprend est comme un jeu qui s’illumine au contact des autres " (41) (plus on clique, plus la couleur du fond s’illumine). Cette œuvre repose ainsi " sur l’idée d’une communauté mondiale, sans frontière, dont le réseau devient le système nerveux, le moyen, la base et la condition de l’échange. L’individualité reste marquée mais ne prend sens que dans le collectif " (42). L’idée même d’une communauté mondiale (" la proximité de nos cultures " (43)) implique une dimension qui n’est plus celle de la communication d’un point de vue quantitatif (le nombre de connexions), mais celle de la communication d’un point de vue qualitatif, qui est une prise de conscience des liens établis entre les individus de manière à développer ce sentiment d’appartenance à une communauté mondiale. N’est-ce pas ainsi qu’il faut entendre le sens du pronom réflexif " se " dans le titre de l’œuvre, exprimant par là même la conscience que nous avons du potentiel qualitatif de nos communications ? C’est donc dans la nature du rapport de communication qu’il faut trouver cette tendance qui distingue le fonctionnement de l’œuvre d’Antoine Moreau de celui des réseaux informatiques en général : comme œuvre-réseau, elle n’est pas le fruit d’une utilisation postmoderne héritée de la tradition analytique, mais celui d’une vision utopique de la société, et de la position de l’art dans cette société. À l’image des avant-gardes (depuis le milieu du vingtième siècle) installant l’œuvre au cœur de la société de consommation (Warhol), la création réticulaire prétend développer sa position critique et utopique " de l’intérieur ". Et si, grâce aux réseaux, et malgré les réseaux, " nous nous comprenions quand même " (44) ?
La défense d’une utopie d’une communication pourtant fondée sur le consensus et l’individualisme doit, en premier lieu, formuler l’exigence d’un " terrain " commun propice à la communication : non pas un terrain de formats compatibles, qui serait en quelque sorte le plus petit dénominateur commun de la communication, mais un espace où les subjectivités connectées entreraient dans une relation de compréhension. C’est tout le sens du fonctionnement " multi-linguistique " de l’œuvre On se comprend : la langue natale (contrairement à l’anglais s’imposant comme langue universelle), est la base même de la communication, son outil premier. La déclinaison en huit langues des propositions ne signifie pas qu’il serait impossible d’établir un échange en dehors de sa langue natale. L’exacte similitude des traductions des propositions vient nous rappeler qu’il existe, au-delà des écarts linguistiques, un terrain commun de compréhension, qui fait que " si ça va dans tous les sens ", " nous nous comprenons quand même " (45), ce qui est dans doute à mettre au compte d’une double étymologie du mot logos, comme langage et raison. Cette vision utopique d’une " intersubjectivité communicationnelle " (46) se double aussi d’une vision critique : l’œuvre d’art, lorsqu’elle est pleinement intégrée dans un système réticulaire, doit, simplement pour exister, adopter une posture critique vis-à-vis des réseaux. En écrivant " l’art est rare " (47) (proposition d’ouverture), l’artiste prend ainsi acte de la nécessité d’une dimension critique véritable. Aussi faut-il voir une certaine ironie dans son propos sur l’art : " Si vous faites partie de la culture partagée des créateurs expérimentés et de spécialistes de l’art, si vous y avez contribué et si d’autres personnes qui en font partie savent qui vous êtes et vous considèrent comme un artiste, alors vous êtes un artiste " (48). A la question goodmanienne " quand y a-t-il de l’art ? " Antoine Moreau répond ici que la détermination de l’art est sujette à l’appréciation du " monde de l’art " tel que le définissait Danto. Mais plus sérieusement, l’artiste prend soin de revenir, dans la suite de son texte, à la question plus traditionnelle de la philosophie spéculative continentale " qu’est-ce que l’art ? " et " quelle est sa finalité ? ", en posant comme exigence de l’art l’utopie d’un art sans fin qui aurait pour tâche de résoudre les problèmes posés dans le champ de la vie : " Le monde est plein de nouveaux problèmes qui n’attendent que d’être résolus " (49). Que ce soit le problème de la langue, ou celui de la nécessité d’un art non consensuel et critique, nous voyons donc bien que l’utopie d’une communication idéale ne saurait se passer d’un espace rationnel, d’un terrain d’entente universel, afin de ne plus parler de subjectivités connectées à un système nivelant mais d’une véritable inter-subjectivité, dont les relations préexistent aux réseaux, et trouvent une extension dans ces moyens contemporains de communication.
Cette utopie, nous semble-t-il, accuse une grande proximité avec la pensée de Jürgen Habermas : une " vision multiculturelle de l’Internet " (50) est l’affirmation d’une utopie de communication réticulaire authentique, sur la base d’une agora universelle rationnelle : " La raison communicationnelle s’affirme dans la force de cohésion inhérente à l’entente intersubjective et à la reconnaissance réciproque " (51). Contrairement à ce qu’écrit Lyotard, la pensée d’une telle raison communicationnelle est l’opposé du consensus. Lyotard objecte à Habermas la pertinence d’un " système de stabilité ", et lui oppose plutôt la " recherche d’instabilités ", réfutant par là même la légitimité qu’accorde Habermas aux normes en vigueur (52). Cependant, si Habermas convoque le terme de consensus dans sa pensée, il doit être compris, au regard de ce que nous avons pu dire sur le consensus, dans un sens très différent : " La médiation entre l’universel et l’individu réside dans l’universalité d’un consensus obtenu sans contrainte et entre des individus libres et égaux, ceux-ci continuant de disposer d’une instance d’appel à laquelle ils peuvent encore recourir lorsqu’ils désapprouvent les formes particulières concrétisant institutionnellement la volonté commune " (53). Le consensus habermassien est loin d’un consensus réticulaire : au consensus nivelant et aliénant (réseaux a-critiques et formatés), que nous pourrions qualifier de consensus faible, l’utopie habermasienne oppose un consensus fort. La force et la stabilité de ce consensus lui vient d’une conscience de la légitimité des normes établies sur la base de la raison universelle. Or, cette légitimation des normes en vigueur n’est aucunement une injonction à un certain conservatisme, mais – et c’est sans doute l’origine de la dimension utopique de la pensée de Habermas – , elle est un premier pas vers l’autonomie critique de l’individu et vers la constitution d’un espace public authentique. " Kant pourrait bien avoir donné l’exemple, pour qui le problème fondamental est moins celui du beau naturel, des beaux-arts, du goût, du sublime, du génie, que celui de la finalité et de la liberté, manière de rappeler que la libre faculté de juger ne sert à rien si elle n’a pas pour finalité la réalisation d’un état où tous peuvent se donner les moyens d’accéder à la liberté et d’en jouir " (54).


CONCLUSION

Dans On se comprend d’Antoine Moreau, l’utopie d’une communication réticulaire est donc l’aménagement d’un espace rationnel déterminé par les connexions intersubjectives établies en son sein, dans un réseau essentiellement a-communicationnel.
L’utopie d’une telle communication est l’utopie de ses prolongements, car la communication, processus de mise en relation, n’est pas, comme telle, la finalité de l’œuvre d’art mais son principe de connexion : l’utopie de la communication réticulaire est un ailleurs, une dimension plus vaste de la réalité sociale. Elle se décline en quatre niveaux interdépendants :
1. Un niveau politique : la vision communicationnelle suggérée par l’œuvre suppose la réhabilitation d’une critique rationnelle et d’une liberté première. Le politique réticulaire est une démocratie publique, par opposition au jeu de forces contraires s’exerçant dans les réseaux, qui tendraient à instaurer une démocratie contingente et individualiste. Une démocratie libre, plutôt qu’une démocratie libérale.
2. Un niveau économique : la liberté suppose l’absence de systèmes de pression anti-démocratiques que sont les systèmes de marché : à l’opposé d’une utilisation mercantile de l’Internet se trouve une pratique désintéressée de la communication, fondée sur le don et l’échange libre (aux deux sens de libre : volontaire et gratuit), et non sur le libre-échange (commerce déréglementé). Dans cette communication, on n’échange d’ailleurs que des idées.
3. Un niveau philosophique : la réhabilitation de la raison critique est aussi celle de la raison dans la philosophie. La raison critique suppose une raison éthique, tout comme le libre-arbitre suppose la volonté de liberté. La raison éthique exige l’utopie.
4. Un niveau artistique : l’u-topie de l’art est la vie. L’œuvre sort du musée, multiplie ses points d’accès et renoue le contact avec la réalité sociale ; elle entre dans la vie. L’utopie de l’art n’est ni un mythe ni une hypothèse artistiques, mais l’essence même de l’art. L’art ne peut pas être adapté, pragmatique et adéquat. Il vise perpétuellement un ailleurs. Ce mouvement n’est pas chimérique mais toujours à accomplir.
L’utopie artistique est donc une éthique de la critique et de la proposition ; elle n’est pas un vain rêve mais l’affirmation permanente d’une éternelle perfectibilité du monde. L’art contemporain doit être utopique s’il veut être contemporain. Un art résigné appartient déjà au passé, l’art authentiquement contemporain appartient toujours au futur.



BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages de référence :
o Danto Arthur, La transfiguration du banal. Une philosophie de l’art, Paris, Seuil, coll. " Poétique ", 1989.
o De Duve Thierry, Au nom de l’art. Pour une archéologie de la modernité, Paris, Minuit, 1989.
o Deleuze Gilles, Différence et répétition, Paris, PUF, coll. " Epiméthée ", 1996.
o Deleuze Gilles et Guattari Félix, Mille plateaux, Paris, Minuit, coll. " Critique ", 1994.
o Deleuze Gilles, Pourparlers, Paris, Minuit, 1990.
o Forest Fred, Pour un art actuel. L’art à l’heure d’Internet, Paris, L’Harmattan, 1998.
o Foucault Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, coll. " Tel ", 1995.
o Genette Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seuil, coll. " Points Essai ", 1992.
o Genette Gérard, L’Œuvre de L’art, tome II " La relation esthétique ", Paris, Seuil, coll. " Poétique ", 1997.
o Goodman Nelson, Manières de faire des mondes, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1992.
o Habermas Jürgen, Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, coll. " Bibliothèque de Philosophie ", 1988.
o Horkheimer Max et Adorno Theodor, La dialectique de la Raison, Paris, Gallimard, coll. " Tel ", 1983.
o Jimenez Marc, La Critique, crise de l’art ou consensus culturel ?, Paris, Klincksieck, 1995.
o Kant Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Paris, Gallimard, coll. " Folios essais ", 1993.
o Lyotard Jean-François, L’Inhumain, causeries sur le temps, Galilée, 1998.
o Lyotard Jean-François, La Condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979.
o Michaud Yves, La crise de l’art contemporain, Paris, PUF, 1997.
o Rorty Richard, Contingence, ironie, solidarité, Paris, Armand Colin, coll. " Théories ", 1993.
o Schæffer Jean-Marie, L’art de l’âge moderne, l’esthétique et la philosophie de l’art du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 1992.
o Schiller Friedrich, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Paris, Aubier, 1992.
o Virilo Paul, La Machine de vision, Paris Galilée, 1988.
o Whitehead Alfred North, Procès et réalité, essai de cosmologie, Paris, Gallimard, coll. " Bibliothèque de Philosophie ", 1995.
o Wittgenstein Ludwig, Tractatus logico-philosophicus, Paris, Gallimard, coll. " Tel ", 1995.

Revues et articles :
o Art Press Hors série, " L’art et la Toile ", Paris, novembre 1999.
o Critique, article de Jürgen Habermas, " La modernité, un projet inachevé ", numéro 413, Paris, Minuit, 1981.
o L’Image, Deleuze, Foucault, Lyotard, article de Mireille Buydens, " La forme dévorée. Pour une approche deleuzienne d’Internet ", Paris, Vrin, coll. " Annales de l’Institut de Philosophie de l’Université de Bruxelles ", 1997.
o Philosophie de l’art, article de Marc Jimenez, " Postmodernité, philosophie analytique et tradition esthétique ", Paris, Ellipses, 1998.

Sites d’art contemporain :
o http://antomoro.free.fr
o http://www.fred.forest.org
o http://www.enst.fr/(auber/
o http://www.labart.univ-paris8.fr/
o http://www.lyon-city.org/mac-vo/
o http://www.culture.fr/entreelibre/
o http://www.synesthesie.com
o http://www.cicv.fr


NOTES

1 In La Dialectique de la Raison, chap. " La production industrielle de biens culturels ", pp. 129 et suivantes. Pour les références des ouvrages cités, se reporter à la bibliographie.
2 In " Internet all over ? ", Art Press Hors série, " L'Art et la Toile ", p. 9.
3 http://antomoro.free.fr/comprend.html
4 NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.
5 L'expression est empruntée à la terminologie habermasienne : le progrès technique et le développement scientifique sont les moteurs d'une certaine modernité. Cf. : Jürgen Habermas, " La modernité, un projet inachevé ", discours rapporté dans le numéro 413 de la revue Critique, pp. 950-967.
6 Le mot " hypertexte ", apparu dans un essai de Ted Nelson en 1975, a été largement analysé et utilisé par Gérard Genette dès 1982 dans Palimpsestes, ouvrage dans lequel il définit l'hypertexte de la manière suivante, p. 16 : " J'appelle hypertexte tout texte dérivé d'un texte antérieur par transformation ou par imitation ". Nous verrons plus loin que l'utilisation, par Genette et les réseaux, de la même catégorie d'hypertexte n'est pas fortuite.
7 Les douze phrases sont identiques d'une langue à l'autre.
8 In " Un peu d'explication ".
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Annick Bureaud, " Utopies distribuées, Net.art, Web.art ", in Art Press Hors série, " L'art et la Toile ", p. 110.
12 In " Un peu d'explication ".
13 Mille Plateaux, p. 13.
14 Op. cit., p. 14 et Différence et Répétition, p. 236.
15 Tels les réseaux sanguins ou politiques fonctionnant en étoile, avec un centre et des périphéries.
16 Il faut noter que le réseau Internet est un réseau informatique à structure maillée, sans point névralgique (caractéristique fondamentale d'un réseau dont la naissance fut militaire, sous le nom d'Arpanet). Cf. l'article de Mireille Buydens " La forme dévorée. Pour une approche deleuzienne d'Internet ", in L'Image, Deleuze, Foucault, Lyotard, pp. 41 et suivantes.
17 Paul Virilo, La Machine de vision, p. 147. Cf. aussi La Condition postmoderne de Jean-François Lyotard, p. 107 : " L'informatisation des sociétés peut devenir l'instrument " rêvé " de contrôle et de régulation du système de marché, étendu jusqu'au savoir lui-même ".
18 Gilles Deleuze, Pourparlers, p. 236. Cf. aussi la notion de panoptisme développée par Michel Foucault dans Surveiller et Punir, pp. 228 et suivantes.
19 Nous reprenons les mots de Jean-François Lyotard, in L'Inhumain, causeries sur le temps, p. 127. Le chapitre " Quelque chose comme : " communicationŠ sans communication " " peut être en outre lu avec profit, concernant la problématique " art et communication ", pp. 119-129, même si notre propos concerne d'avantage le problème de l'art de la communication que celui de la communication de l'art.
20 In " Un peu d'explication ".
21 Ludwig Wittgenstein, Tractatus Logico-philosophicus, 1.1, p. 29. Cf. aussi Alfred North Whitehead, Procès et Réalité, ouvrage de " taxinomie ", dans lequel la détermination de la chose selon sa classification importe moins que les relations unissant les différentes classifications.
22 Daniel Parrochia, " Les réseaux, de la mathématique à la métaphysique ", in Art Press Hors série " L'art et la Toile ", p. 29.
23 Le " compte-rendu " de l'¦uvre processuelle en question est consultable sur le site web personnel d'Antoine Moreau, onglet " sculptures " : http://antomoro.free.fr
24 Marc Jimenez, " Postmodernité, philosophie analytique et tradition esthétique ", in Philosophie de l'art, p. 151. L'auteur renvoie, dans cet article, à son ouvrage La Critique, crise de l'art ou consensus culturel ? en ce qui concerne la question du " culturel ".
25 In " Un peu d'explication ".
26 Jean-Marie Schæffer, L'art de l'âge moderne, l'esthétique et la philosophie de l'art du XVIIIe siècle à nos jours.
27 Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne, introduction, p. 7.
28 Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, " Analytique du Beau ", §9 : " Est beau ce qui plait universellement sans concept ", p. 150.
29 Arthur Danto, La transfiguration du banal, pp. 160-161.
30 Thierry De Duve, Au nom de l'art. Pour une archéologie de la modernité.
31 Gérard Genette, L'¦uvre de l'art, tome II, " La relation esthétique ", p. 205.
32 Richard Rorty, Contingence, Ironie, Solidarité, p. 86.
33 C'est la " culture du zapping " et le " pluralisme esthétique " tels que les définit Yves Michaud dans son ouvrage La crise de l'art contemporain, p. 199, ou la " navigation " sur Internet.
34 In " Internet en question ", Art Press Hors série, " L'art et la Toile ", p. 76.
35 Pierre Musso, " Généalogie et critique de la notion de réseau ", Art Press Hors série, " L'art et la Toile ", p. 21.
36 Le texte s'intitule " Comment devenir un artiste ? ", http://antomoro.free.fr/artiste.html
37 Op. cit.
38 " Comment devenir un artiste ? " : " Il existe une communauté, une culture partagée de créateurs expérimentés et de spécialistes de l'art dont l'histoire remonte aux premiers mini-ordinateurs multi-utilisateurs, il y a quelques dizaines d'années, et aux premières expériences de l'art conceptuel ".
39 Cf. http://www.fred.forest.org
40 Cf. http://www.enst.fr/(auber/
41 In " Un peu d'explication ".
42 Annick Bureaud, " Utopies distribuées. Net.art, Web.art ", Art Press Hors série, " L'art et la Toile ", p . 108.
43 In " Un peu d'explication ".
44 Proposition 5 de l'¦uvre On se comprend.
45 Propositions 8 et 5.
46 Cf. Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, p. 49 : " L'intersubjectivité supra-individuelle, dans une communauté communicationnelle obéissant à des nécessités de coopération, préside à la formation non contrainte de la volonté et offre un autre modèle de médiation entre l'universel et l'individuel ".
47 Proposition 1.
48 " Comment devenir un artiste ? ".
49 Ibid.
50 In " Un peu d'explication ".
51 In Le discours philosophique de la modernité, p. 383.
52 Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, pp. 88 et suivantes.
53 Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, p. 49.
54 Marc Jimenez, " Postmodernité, philosophie analytique et tradition esthétique ", in La Philosophie de l'art, p. 168. Cf. aussi Friedrich Schiller, Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme.


[ On se comprend ]